Dimanche 30 novembre 2008,
J’ai toujours pensé que les préparatifs d’un voyage suivent
déjà le départ et mon imagination est en chemin. La tête voyage,
chaque objet sélectionné pour partir sont des compagnons. Chaque
objet emporté mis en un point précis de la voiture déclenche
une pensée, une situation vivante, une manière de s’installer
dans la route.
En début de cette année, lors du même périple, j’étais dans
la technique du voyage, je ne savais pas ce qui m’attendait
c’était mon premier départ aussi long. Je me concentrais, sans
autre repère, sur
l’équipement du Defender .
Aujourd’hui
je sais ou je vais, certaines personnes m’attendent, j’ai des
engagements à tenir, des contacts à reprendre, de nouveaux à
construire. Mais partir de cette manière est une expérience
forte, il me faudra huit à dix jours pour arriver à Bamako,
ville mythique, immense de poussière et d’odeurs. Huit à dix
jours pour arriver à Noël. Cette ville, un mouvement continuel
des sens, un tourbillon incessant coupé par le fleuve Niger,
ce grand calme qui rappelle inlassablement que le temps est
présent. Il coule à l’envers et remonte dans les terres. Il
est là pour permettre un rattachement au silence. Ce sera ma
première étape forte, ce qui précèdera me permettra juste de
décrocher de la France qui m’inquiète. En voiture je découvre
avec bonheur ce qu’est une arrivée en douceur sur ce continent
si différent. L’avion vous projette, sans ménagement, en un
instant dans cette autre vie. C’est une introduction lente à
la découverte.
Je reviendrai ici avant mon départ...
Mercredi
10 décembre 2008, pourquoi partir ?
(...)
Pas facile d'écrire quand on est aussi près d'un départ. Que veut
dire départ ? On part quand on a terminé quelque chose, quand
on va vers une nouvelle destination un nouveau choix, après une
déception, quand on aime aussi. A toutes ces situations sont accrochées
l'idée de mouvement et chacun peut s'y retrouver ou pas dans un
départ. Être immobile c’est mourir pour moi. Quoique nous fassions
il faut bouger, accrocher du mouvement au jours qui s’étirent.
L'idée de découverte et d'effacement sont présentent souvent dans
le désir de partir. Idées complémentaires mais contradictoires.
Aujourd'hui « départ » n'a jamais été aussi synonyme de la recherche
de "nouveau" ou de "changement". Partir c'est mourir un peu dit-on
mais pourquoi ? Doit-on laisser un peu de notre vie en partant
? J'ai l'impression moi d'emporter tout aujourd'hui, de ne rien
laisser pour pouvoir faire le tri, pour enfin chercher à vivre
au contraire. Je pars trouver pour une vie plus simple, plus proche
des valeurs qui sont enfouies. Je n’ai pas l’impression de regretter
quoique ce soit. J'ai le désir de vouloir ressembler plus à ce
que je suis c'est ça qui me donne la force tous les jours d'organiser
et de choisir ma vie. Je rêve parfois d’une route avec des carrefours
ou il y a des dangers qui arrivent de partout, je le cris souvent
pour interpeller et à l’approche ce carrefour il y aura des bonheurs
aussi si je choisis de le rencontrer. Je pars car trop de lois
m’imposent ses choix, trop de tâches journalières me sont dictées
par des courriers, des informations, des journaux, des images.
Ces images que j’aime tant car elles expriment ce que je pense
donc ce que je suis. J’aime une image car elle me ressemble. J’ai
le désir de remettre ma vie à plat dans ce climat ou tout s’oriente
vers l’imposition de sa pensée aux autres sous ce couvert de vouloir
mieux vivre. Vais-je mieux vivre si on m’enlève la liberté de
m’arrêter là ou il faut circuler, de travailler quand arrive le
jour de se reposer, de me reposer quand c’est normal de faire
pour gagner ? Gagner quoi ? La liberté de ne plus voir ? (...)
A bientôt, la prochaine fois je serai en route...
Mardi
3 mars 2009 Déjà... Je suis au Mali
Je
me demande pourquoi le temps passe à cette allure.
Pourquoi
jamais sa vitesse n’est la même. Depuis que je suis parti je n’ai
pas encore donné de mes nouvelles sur ce carnet de voyage. J’en
avais le désir mais peut-être pas l’envie. L’isolement en tous
points de mon lieu de départ me parait normal et m‘est nécessaire.
Je me consacre qu‘à la découvertes de contrées et des gens que
je ne connais pas. Rendre compte régulièrement c’est un espace
de liberté qui s’en va, plutôt une contrainte qu’il faudrait que
je m’impose et je n’en ai pas le désir et puis j‘en suis incapable
non plus. Dire régulièrement je suis là et j‘ai fais ça et ça
m‘est impossible et deviendrait vite une épreuve que je ne veux
pas m‘imposer.
Ne
pas chercher à préparer le lendemain m’est agréable. Je sais,
c’est très africain aussi et j‘adopte volontiers cette formule.
J’ai besoin de cette totale liberté, de ne pas chercher à savoir
de ce que demain sera fait. La période de plus de deux mois qui
s’est déjà écoulée depuis mon départ a été par moments, qu’ils
soient bons ou mauvais d’ailleurs peu importe, très brève.
J’appréhende
un peu l’arrivé chez moi, le déballage, les traces de poussière
de latérite sur tout ce qui est dans la voiture, la circulation,
le courrier inutile auquel il faut répondre, les factures à la
con, les climats journaliers changeants car ici il fait toujours
beau même si à Bandiagara il a plu en février ce qui ne se voit
presque jamais en cette saison.
L’obligatoire
prise de conscience que je dois rentrer freine mon obligation
de le faire. Suis-je obligé ? Un jour je répondrai non.
Heureusement
que je vais devoir préparer le prochain départ en silence, classer
mes images et en faire les montages, les revoir et les revoir
encore, reprendre mes textes et les corriger pour qu’ils soient
des documents sonores de qualité, comme ça je serais encore sur
la route.
Bon
je me lance un peu dans les informations que j’aurais dû écrire
ici depuis longtemps mais vraiment que dans ses grandes lignes.
Le détail je vous le raconterai en vous montrant les images.
Le
Maroc en décembre 08 un vrai frigo humide, j’encaisse rhumes sur
rhumes, la descente du sud marocain; comme d’habitude lancinante
mais une belle période préparatoire à l’Afrique noire, Bamako
le 25 décembre et jour de l’an deux fêtes ratées mais je devais
en attendre trop, ensuite Mali, Burkina Faso, Bénin; partie agréable
ponctuée de nombreuses et belles rencontres ou découvertes. Togo;
Bof je passe presque sans m’arrêter un peu déçu, pas grave ce
doit être un beau pays mais rien n’a été palpitant pour moi, mais
ça n‘a été que trois ou quatre jours. Question de chance aussi.
Burkina de nouveau; rencontre avec de jeunes français sans intérêt
et intervention médiocre de leur part, je repars vite vers l’est
du Burkina que je ne connais pas, coté Dori et Bani ce village
au sept mosquées. L’harmattan s’en mêle et je fais avec. Gorom-gorom
je passe. Découvertes des paysages du Sahel très durs et puis
j’arrive au pays Dogon par Koro et Bankass pour la deuxième fois.
Grâce Souleymane mon guide de l’an passé ce fut encore une formidable
découverte et je termine la falaise seule surune magnifique piste
vers Gao pour respirer la chaleur et la sécheresse d‘une nouvelle
partie du Mali que je ne connaissais pas encore.. Tombouctou par
la piste, humm pas possible seul, trop d’insécurité et je ne suis
pas là pour chercher les galères, après trois jours dans la ville
je retourne sur Ségou cette ville que j’affectionne particulièrement.
Et depuis 8 jours j’y suis, je passe de rencontre en rencontre
avec Seydou.
Demain
Markala pour le festival des marionnettes d’eau. Des couleurs
et du mouvement en perspective a saisir en pixels. J’attends pour
voir j’espère y attraper de belles images et de belles histoires.
Seydou ce garçon attachant rencontré aussi l’an passé m’y accompagne.
Il connaît tout le monde, c’est un bon compagnon pour moi. Il
m’écoute.
Allez
je file, bye bye… Suite bientôt ou à mon retour en France…
Mercredi
8 mars 2009 hélas... (...) Je suis rentré depuis
8 jours...
Je
me demande ce que je fais ici...
Courrier,
froid, pluie, tout me rebute. Seul désir; laver la voiture et
repartir, poursuivre ce voyage dans lequel j’étais comme dans
un fauteuil et continuer d’être libre de mes gestes. Le lieu où
je suis me plante à un endroit sans pouvoir en bouger. Mes racines
sont ailleurs, sur quatre roues ? Problème je ne sais pas où.
Ici où j’habite, j’ai trop de choses à faire pour le maintenir
la maison en vie, je m‘y sens à l‘hôtel; à peine arrivé,
prêt à en repartir. Une vie qui ne m’est plus nécessaire mais
personne ne me comprend, tant il est agréable. C’est maintenant
un poids. L'idée sournoise de le vendre pour retrouver
un nouvel espace de liberté et d‘entreprendre me traverse souvent
l'esprit.
Un
ou deux aller et retour dans différents coin de France et dans
peu de temps je serai prêt à filer ne sais où lorsque le printemps
sera bien présent. Au Mali d'abord, certainement en avion, pour
y faire un reportage, mais pourquoi pas en Cappadoce ou en Roumanie
avec la voiture ? Ce n’est pas bien loin. Au Mali au mois de mai
il y fera très chaud, mais le fleuve devrait tempérer ça et puis
c‘est quinze jours, je ne les verrai pas passer.
En
attendant je vais travailler sur mes photos et film pour construire
quelque chose avec la matière récoltée, un montage et aussi compléter
ce site avec des traces nouvelles qui cette fois seront bien différentes
des précédentes. Je regarde l’Afrique différemment aujourd’hui,
une sorte de grande banlieue où il est facile de s’y rendre.
Des marchés où je regarde moins les gens que les denrées
qu’il me faut. Un sorte d’accoutumance à une culture. 25000
km ce n’est pas la mer à boire. Derrière il y a l’Amérique Latine
pour la fin de cette année ce sera 35 ou 40000km cette fois-ci.
Ce
sera une autre affaire et comme une vieille idée qui revient
me voir (...)
|